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Autoportrait pastel à l'huile

Note biographique

Né en 1985 dans le 14e arrondissement de Paris, Matthieu Bourgade a suivi des études d’arts graphiques et d’animation à l’ESAG Penninghen, aux Ateliers de Sèvres et à LISAA Paris (diplômé en 2012). Il a ensuite cofondé le Conservatoire de dessin et de peinture de Paris, où il a enseigné de 2013 à 2024.

Artiste peintre figuratif travaillant essentiellement d’après modèle vivant ou sur le motif, son œuvre a bénéficié en décembre 2024 d’une première exposition à la galerie Montparnasse lors de l’événement « Créations originales ». En janvier 2025, il ouvre l’Atelier Severo, lieu d’art de création, d’exposition et d’enseignement situé au cœur de son quartier de naissance et de vie.

 

L’artiste

Résolument figurative mais à contre-courant du fantasme objectiviste de l’hyperréalisme, l’œuvre de Matthieu Bourgade renoue avec l’acte fondateur de l’art moderne faisant de la peinture une interprétation volontairement subjective du réel. À ses yeux, un tableau n’a pas pour vocation d’être une reproduction, cadrée et aplanie en deux dimensions, de la vision humaine mais d’en livrer une impression, d’une manière analogue à la trace laissée par un souvenir dans la mémoire – floutée voire incernable, marquée par tous les sens et non la seule vue, et tenant compte de la temporalité vécue de la scène, irréductiblement subjective. Dans un monde postmoderne où l’image, notamment photographique, est partout, Matthieu Bourgade ne se laisse jamais submerger par une sorte de rigueur rigide empêchant à son sujet de lui communiquer sa propre nécessité : c’est ainsi que, sous son pinceau, des éléments de décors apparaissent, des couleurs se transfigurent, des détails se transforment.

Bientôt âgé de 40 ans, Matthieu Bourgade a suivi un cursus à la fois pratique et théorique dont est issue une capacité d’évaluation aussi précise qu’exigeante. C’est très probablement ce qui explique la lente éclosion de l’artiste qu’il est aujourd’hui : pendant vingt années, d’abord comme étudiant en arts graphiques puis en tant que professeur au Conservatoire de dessin et de peinture de Paris, il a patiemment aiguisé ses outils et enrichi sa palette pour atteindre le haut niveau d’habileté et d’assurance nécessaire pour pouvoir regarder ses meilleures toiles avec satisfaction.

Désormais maître de sa technique comme de son destin grâce à l’ouverture de son propre atelier, l’Atelier Severo – à la fois lieu de travail, d’enseignement et galerie –, il est entré depuis deux ou trois ans dans une phase de production créatrice effrénée, dessinant ou peignant quasiment en permanence, dans un geste d’absorption quasi boulimique de l’espace sensoriel se présentant à sa vue : intérieurs feutrés, rues parisiennes, paysages méridionaux, natures mortes… chaque scène qu’il observe est l’occasion d’un croquis, qu’il transformera peut-être en une toile ambitieuse et marquante. Il aime travailler vite, laisser visibles les traces des aléas des circonstances de la pose, les imperfections signifiantes : un modèle qui ne remontre pas le bout de son nez ? alors son visage restera flou (Asymétrie) – c’est comme ça, c’est tant pis, c’est tant mieux.

Et il ne faudrait pas voir dans le traitement impressionniste de ses sujets l’expression d’un passéisme réactionnaire, en décalage ou en retrait de la société et de l’art de son époque. Simplement, Matthieu Bourgade cherche à montrer que la quête de la vérité artistique – nécessairement portée par la matérialisation unique et originale du regard de l’artiste – est une nécessité plus que jamais d’actualité, à l’heure où notre univers sensoriel est submergé de représentations numériques générées indéfiniment par notre civilisation des images, de plus en plus produites avec le concours d’inhumaines IA.

Exposition « Dans l’abîme du temps » (janvier 2025)

Pour réaliser cette série, Matthieu Bourgade s’est inspiré de la peinture des nabis – et notamment des maîtres de la représentation des intérieurs intimes que sont Pierre Bonnard et Édouard Vuillard. À travers le décalage entre leur traitement impressionniste et leurs sujets tirés de la vie quotidienne contemporaine, ces peintures interrogent la modernité et son rapport au temps. Sa suspension qu’implique l’art pictural est ici redoublée par l’atmosphère douce et apparemment apaisée d’intérieurs feutrés, dans lesquels se déploie une intimité tour à tour languide ou studieuse. Derrière le délassement des figures humaines se laisse deviner en creux l’affairement morbide qui caractérise tellement la vie urbaine des grandes cités mondialisées.

« Nous sommes arrivés à un plateau, un plafond technologique », analyse l’artiste : le progrès est allé si loin qu’il a commencé à dévorer le monde et les vies de celles et ceux auxquels pourtant il bénéficie le plus – sur le plan économique au moins. Avant de se décider, peut-être, à quitter une bonne fois pour toutes la ville, les citadins s’isolent chez eux, fenêtres fermées, ouvrent un livre, s’assoupissent, réfléchissent, font l’amour. Ainsi, en toute subtilité, cette série délivre un récit engagé dans son époque et sa critique, n’hésitant pas, aussi, à subvertir les stéréotypes de genre, encore largement dominants, en peignant un corps masculin nu en une pose lascive (C. Le Prince) que le pur produit du patriarcat qu’est l’art académique a toujours réservé aux modèles féminins.

 

 

Vincent Langlois (éditeur, traducteur, journaliste), décembre 2024

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